Raphaële George

Psaume de silence (extrait)

, 14:03pm

 

Il se passe souvent avec les mots quelque chose

d’assez semblable à cette sensation d’être surpeuplée,

comme si tous les mots s’étaient si bien accordés

de cette mémoire. On se dit qu’on ne peut pas y toucher.

On croit par eux toucher aux visages des morts.

 

Et puis soudain,

sentir que le monde est peuplé de mots en soi,

sentir ce souffle d’élévation vous grandir,

sentir que vos rêves de grandeur ont raison d’être,

que rien ne peut empêcher la parole ; qu’avant elle,

il n’y avait pas de parole, parce que c’est la nuit, parce qu’on

est cette seule lueur qui brille, parce qu’on croit, et

que, sur cette seule foi, tout est sauvé.

 

Page 28 © Editions Lettres Vives, 1986.